Bravo à Amine pour cette lettre pleine de sincérité et de retenue

Publié le par blogueurphd

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   Le crachat et le rêve français !

 

Lettre à Monsieur le ministre de l’Intérieur, de l'Outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

 

 

Monsieur le ministre,

 

La sous-direction de l’accès à la nationalité française du ministère que vous dirigez vient de signifier à Madame S.Boujrada, ma mère, le classement de son dossier et un refus d’attribution de nationalité. « Vous ne répondez pas aux critères » est-il écrit dans un courrier sans âme que l’on croirait tout droit sorti de l’étude d’un huissier ou d’un notaire.

 

Ma mère est arrivée en France en 1984. Il y a donc 28 ans, monsieur le ministre, 28 ans ! Arrivée de Casablanca, elle maîtrisait parfaitement le français depuis son plus jeune âge, son père ayant fait le choix de scolariser ses enfants dans des établissements français de la capitale économique marocaine. Elle connaissait la France et son histoire, avait lu Sartre et Molière, fredonnait Piaf et Jacques Brel, situait Verdun et les plages de Normandie, et faisait, elle, la différence entre Zadig et Voltaire !

 

Son attachement à notre pays n’a cessé de croitre. Elle criait aux buts de Zidane le 12 juillet 98, pleurait la mort de l’Abbé Pierre. Tout en elle vibrait la France. Tout en elle sentait la France, sans que jamais la flamme de son pays d’origine ne s’éteigne vraiment.  

 

Vous ne trouverez trace d’elle dans aucun commissariat, pas plus que dans un tribunal. La seule administration qui pourra vous parler d’elle est le Trésor Public qui vous confirmera qu’elle s’acquitte de ses impôts chaque année. Je sais, nous savons, qu’il n’en est pas de même pour les nombreux fraudeurs et autres exilés fiscaux, qui effrayés à l’idée de participer à la solidarité nationale, ont contribué à installer en 2007 le pouvoir que vous soutenez.

 

La France de ma mère est une France tolérante, quand la vôtre se construit jour après jour sur le rejet de l’autre. Sa France à elle est celle de ces banlieues que votre héros sans allure ni carrure promettait de passer au karcher, puis de redresser grâce à un plan Marshall qui n’aura vu le jour que dans vos intentions.  Sa France à elle est celle de l’article 4 de la Constitution du 24 juin 1793 qui précise que « tout homme -j’y ajoute toute femme- né(e) et domicilié(e) en France, âgé(e) de vingt et un ans accomplis ; - Tout(e) étranger(e) âgé(e) de vingt et un ans accomplis, qui, domicilié(e) en France depuis une année - Y vit de son travail - Ou acquiert une propriété - Ou épouse un(e) Français(e) - Ou adopte un enfant - Ou nourrit un vieillard ; - Tout(e) étranger(e) enfin, qui sera jugé(e) par le Corps législatif avoir bien mérité de l'humanité - Est admis(e) à l'exercice des Droits de citoyen français ». La vôtre est celle de ces étudiants étrangers et de ces femmes et hommes que l’on balance dans des avions à destination de pays en guerre.

 

Vous comprendrez, Monsieur le ministre, que nous ayons du mal à accepter cette décision. Sa brutalité est insupportable. Sa légitimé évidement contestable. Son fondement, de fait, introuvable. Elle n’est pas seulement un crachat envoyé à la figure de ma mère. Elle est une insulte pour des millions d’individus qui, guidés par un sentiment que vous ne pouvez comprendre, ont traversé les mers et les océans, parfois au péril de leur vie pour rejoindre notre pays.

 

Ce sentiment se nomme le rêve français. Vous l’avez transformé en cauchemar.

 

Malgré tout, nous ne formulerons aucun recours contre la décision de votre administration, Monsieur le ministre. Nous vous laissons l’assumer. Nous vous laissons à vos critères, à votre haine et au déshonneur dans lequel vous plongez toute une nation depuis cinq ans. Nous vous laissons avec votre conscience. Quand le souffle de la gifle électorale qui se prépare aura balayé vos certitudes, votre arrogance et le système que vous dirigez, ma mère déposera un nouveau dossier.

 

Je ne vous salue pas, Monsieur le ministre.

 

Amine EL KHATMI

23 ans, français… mais pas tout à fait comme vous.

 

sigle PS section nouveau

Publié dans VEILLE POLITIQUE

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